Ghost of Tsushima : un Assassin’s Creed sauce samouraï plus digeste ?

Ghost of Tsushima, c’est la dernière grosse exclue pour la PS4, un jeu développé par Sucker Punch, studio connu pour la franchise Infamous et Sly. A l’instar de ces deux licences, Ghost of Tsushima propose une formule de monde ouvert, riche en idées mais avec des défauts rageants. Voici notre verdict.

Une histoire crépusculaire à la Kurosowa

Ghost of Tsushima fait figure d’hommage au célèbre style des films de Kurosawa, plus particulièrement Les Sept Samouraïs (1954) : une ode aux guerriers japonais d’antan, une sorte de western nippon où l’art du combat au katana est superbement mis en scène sur fond de cerisiers japonais et soleils couchant. Au rayon des références cinématographiques, on pense bien entendu aussi aux films de chanbara.

Un hommage qui dans les options du jeu, va jusqu’à un mode cinématographique noir et blanc appelé justement « Kurosawa » :

Le mode noir et blanc
Le mode noir et blanc « Kurosawa » activable dans les options de Ghost of Tshushima

Nous reviendrons plus tard sur l’ambiance du jeu pour brièvement vous exposer son synopsis : nous sommes au Japon du 13ème siècle où l’armée japonaise fait face aux conquérants Mongoles qui décident de mener l’assaut sur l’île de Tsushima. Une poignée de samouraïs tentent de repousser l’armée en vain. Ils sont rapidement balayés, leur chef, Shimura capturé et son neveu qu’on incarne, Jin Sakai, se fait la promesse de venir à son secours en levant une armée de guerriers recrutés sur l’île envahie.

Un contexte original sous fond de vengeance et de choix cornéliens car Jin Sakai sera confronté à son code d’honneur de samouraï et la réalité plus brutale, du nombre de Mongoles à décimer par des méthodes moins traditionnelles pour accomplir son objectif.

Sans plus en dévoiler, sachez donc que le fil narratif est assez convenu, quoi qu’efficace pour sa trame principale. En ce qui concerne les missions secondaires, elles oscillent entre le bon avec des confrontations morales liées aux massacres, au moins bon avec des quêtes « Fedex », soit des allers-retours que l’on connait bien dans le monde du jeu vidéo.
On évoquera également un mini système d’enquête assez dirigiste mais contribuant à l’immersion par la (quasi) absence d’interface à l’écran. On aurait juste aimé qu’il soit un peu plus poussé car l’idée est bonne mais cela aurait demandé encore plus de travail pour le studio.

Ghost of Tsushima où l’art de l’exploration dans un monde ouvert

Une fois votre fidèle destrier choisi, vous serez lâché dans la pampa de l’île japonaise afin de remplir vos différentes quêtes. Tout d’abord, un excellent point à souligner, est la décision des équipes de Sucker Punch de ne pas obstruer l’écran d’une mini carte, ce qui a tendance à gâcher l’expérience de monde ouvert de tant de jeux.
On parle surtout ici de l’archétype des productions Ubisoft (ça y est, le tacle est lâché), notamment de la licence Assassin’s Creed et de son abondance de quêtes, d’indicateurs etc. 

En somme, Ghost of Tsushima évite l’écueil des jeux à monde ouvert qu’on a eu, ad nauseam ces dernières années, en s’inspirant de la nouvelle référence : Zelda Breath of the Wild.

Toutefois, il ne copie que le sentiment d’exploration, pas ses mécaniques. A ce titre, on pense que Sucker Punch a dû se poser la question d’incorporer une jauge d’endurance Zelda BOTW, notamment car Ghost of Tsushima ne propose pas de système d’escalade alors qu’il s’y prêterai bien. Pour être tout à fait exact, il n’y a pas de jauge d’endurance visible mais votre personnage ne pourra pas courir à volonté pour autant. Il faudra utiliser un cheval (ou les déplacements rapides) qui sera lui, dénuer de notion d’endurance et qui se prête bien à l’exploration.

On reste ici sur un système à la Assassin’s Creed qui reste une de ses références mais en plus épuré et maîtrisé.

Dans une interview vidéo, vous pouvez entendre Nate Fox et Jason Connel, les directeurs créatifs de Ghost of Tsushima s’exprimer sur leurs intentions :

Nous voulons vraiment que vous ayez le choix de « Hey, cette forêt de bambous cool là-bas, je veux vraiment la voir. Je veux aller dans cette direction et voir ce que c’est. Il n’y a pas de « point de passage ». Il n’y a rien qui dit « Allez ici et regardez cette forêt de bambous ». 
J’espère que nous présentons quelque chose de beau et d’exotique — différent de l’endroit où vous vous trouvez actuellement — et qui deviendra le choix d’un monde dans lequel vous voudrez vous aventurer.

Source interview vidéo : Playstation

Comment se débrouillent-ils pour cela ? En usant d’artifices très bien trouvés avec un level design lié à la faune et l’environnement de Tsushima : les oiseaux, les renards, la fumée et surtout le vent serviront d’orientation pour guider le joueur dans cet univers.

Bon vent ! Gloire à une direction artistique cohérente

En effet, le vent est une des idées centrales du jeu, au cœur d’une direction artistique enchanteresse. En sus des éléments de level design mentionnés au-dessus, Ghost of Tsushima utilise un système de navigation basé sur le souffle du vent, très cohérent avec la direction artistique du jeu même si certains n’y voient qu’un simple système GPS, nous trouvons que c’est excellemment bien pensé et immersif. Dans les faits, ce dernier s’active via le pavé tactile de la manette PS4 en l’effleurant du doigt, dévoilant une bourrasque d’air à l’écran, soufflant vers la direction de l’objectif choisi sur la carte dans le menu.

On l’évoquait précédemment mais rendons hommage aux équipes créatives de Sucker Punch pour la direction artistique du jeu, avec des environnements colorés, très saturés, très bucoliques. Mention spéciale aux feuilles tombantes et aux herbages, eux aussi renforçant l’immersion et surtout, très cohérents avec l’exploration par le vent car ces derniers tombent et s’affaissent naturellement vers l’objectif en cours. On relèvera aussi de très beaux panoramas avec le défilement du temps (que vous pourrez provoquer avec votre flûte, à la manière de l’ocarina et la mélodie du temps dans un Zelda tiens donc…On pense à un bel hommage).

Pour finir sur ce point de vu technique, soulignons que le jeu est donc globalement très beau, les temps de chargements sont rapides sur PS4 Fat et le tout est globalement fluide même si quelques baisses de framerate peuvent être à déplorer sur la plateforme de test.

Une immersion gâchée par une mise en scène médiocre

Ghost of Tsushima est donc une ode à l’exploration vidéoludique en terres japonaises mais ne passons pas par quatre chemins, le manque de mise en scène nous a sorti de l’immersion plus d’une fois. On peut passer sous silence la pauvreté des animations faciales qui sont honnêtes mais pas les cutscenes qui donnent envie de faire le seppuku avec son personnage : elles cassent le rythme et cachent le manque d’animation/transition entre les scènes. Cette mise en scène indigne comparé aux grandes qualités du jeu déjà mentionnées, imposera des transitions en fondu noir, voire un simple écran noir avec le son pour illustrer la scène…
On peut mettre ça sur un manque de temps pour finir le jeu, joker Covid 19 mais on ne peut s’empêcher de le souligner fortement, tant cette médiocrité nous a déçu sur le très haut potentiel du jeu.
En outre, sauf erreur de notre part, il semble impossible de passer ces cinématiques, voir d’avancer plus vite les dialogues (qui ne sont pas folichons dans l’écriture pour rappel).

Au final, on ne va pas plus remuer le katana dans la plaie mais la mise en scène de Ghost of Tsushima est aux abonnés absents, faisant penser à un jeu de l’ère PS3, avec de simples champs/contre champs. Très dommageable quand on se présente comme une, si ce n’est la dernière, grosse exclue de la PS4.
En outre, lors de notre test, on a eu une forte pensée pour le précédent jeu testé par nos soins, la grande claque The Last of Us 2 qui est exemplaire de ce point de vue et qui n’a donc pas aidé à rentrer dans la proposition Ghost of Tsushima au début.

Aux armes ! le combat comme baroud d’honneur dans le gameplay

Après avoir critiqué l’aspect de mise en scène, nous tenons à contrebalancer notre chagrin avec le gameplay de Ghost of Tsushima qui possède de bons atouts (et des moins bons comme vous pouvez vous en douter). A commencer par son système de combat qui est très agréable et assez varié. En effet, dans un système d’action-RPG, vous aurez accès à 4 postures différentes, afin de vous adapter à autant de type d’ennemis (épée, lance, bouclier et tank).

Les postures de combat
points d'endurance

En outre, vous aurez aussi des points d’endurance à dépenser pour vous soigner par exemple ou utiliser vos capacités spéciales. Ces points se remplissent en fonction de divers critères comme l’exécution des ennemis ou de bonnes parades.

Dans ce volet « action-RPG », on appréciera le système de charmes et de tenues pour choisir son orientation de gameplay car ils détermineront votre approche (plus bourrin ou plus discret en somme), pour personnaliser votre aventure.

En sus, il n’y a pas vraiment de système de crafting mais des ressources à ramasser facilement via une touche dédiée, afin de faire progresser son personnage à la manière d’un RPG traditionnel. C’est un très bon équilibre selon nous afin de mettre en avant l’exploration et les combats qui sont au cœur de Ghost of Tsushima. Au passage, c’est aussi une excellente chose pour ne pas passer son temps dans les menus du jeu, qui offre une interface/UX très épurée et appréciable, même si parfois confuse mais on s’y fait après quelques heures de jeu.

Dans ce registre de progression RPG, il faut évoquer les minis-jeux que vous retrouverez ici et là pour l’évolution de votre personnage :

  • les « haikus » où vous composerez des poèmes en mode kamoulox
  • les bambous rappelant l’époque des cheat codes de GTA par exemple, car il faut exécuter rapidement une succession de touches
  • Les onsens pour gagner un peu de vie moyennant une réflexion narrative

On troll un peu sur ces minis-jeux, ils ont le mérite de ne pas être invasif et de récompenser le joueur dans son exploration et son désir de faire évoluer les compétences de son personnage.

Au même titre que le vent, les combats sont au centre du gameplay du jeu. Les animations qui en découlent sont très jolies, bien travaillées, notamment les exécutions. Il y a de très bonnes sensations manette en main, un vrai sentiment de puissance qui s’en dégage plus on avance dans le jeu et la maîtrise du système de combat

« C’est l’heure du du-du-du-du-du-duel ! »

Pour en remettre une couche sur les combats, il faut aussi parler des duels, eux aussi très inspirés des films de samouraïs à la Kurosawa qui font d’ailleurs échos à des duels de western. Ces duels ponctuent votre aventure de 2 façons :

  1. des duels rapides quand vous rencontrez un groupe d’ennemis, jouant sur un timing serré pour presser la touche triangle ou rond quand un ennemi vous attaque, afin de l’éliminer en un coup. Tout en sachant que les ennemis peuvent vous feinter, c’est toute la subtilité. En somme, cela se résume à des QTE qui peuvent lasser à la longue car ils ne reposent que sur votre timing et ne se renouvelle pas.
  2. des duels en un contre un, façon Kurosawa/Western, avec une véritable mise en scène pour le coup (même si c’est toujours la même). On a vraiment apprécié ces duels dramatiques, rendant hommage au système de combat global du jeu. Ils sont parfois difficiles au début mais deviennent (malheureusement ?) assez faciles au fur à mesure de l’aventure et de la montée en puissance de votre personnage, si vous utilisez vos techniques les plus dévastatrices.
    ==> NDLR : à l’instar du jeu Ubisoft For Honor (encore eux ! Décidément, c’est un acharnement de notre part ), ces duels pourraient faire un excellent mode multijoueur/PVP dans Ghost of Tsushima.

Ghost of Tsushima caméra, mon combat

Abordons la notion de caméras dans le jeu qui est un fort parti pris de la part de Sucker Punch. En effet, le studio a pris la décision de ne pas avoir de système de « lock », soit qu’il n’est pas possible de verrouiller une cible en particulier :

En travaillant sur les combats, nous avons regardé des films de samouraïs, qui ont bien sûr été une source d’inspiration pour le ressenti créé en jeu. Dans ces films, les combattants doivent souvent changer d’ennemi sur lequel porter leur attention. Ainsi, le combat est construit sur le fait de traiter une variété d’ennemis ou un groupe d’entre eux. Nous avons essayé de donner aux Mongols le sentiment d’être comme une meute de loups qui vous entourerait. Et ce n’est que grâce à l’habileté que vous pouvez les repousser, car ils vous attaquent de tous les côtés. Si nous avions eu un verrouillage, vous n’auriez pas été en mesure de vous déplacer aussi rapidement entre les différents adversaires.

Nate Fox, directeur créatif de Ghost of Tsushima lors d’une interview pour GameSpot

On respecte cette direction prise qui est audacieuse et défendable mais à contrario, en jeu et donc en combat, cela occasionne parfois des situations très confuses avec la caméra qui ne se place pas bien. C’est une volonté louable mais quand il y a de multiples ennemis (ce qui est souvent le cas) et des obstacles sur la trajectoire de la caméra, on peut tout bonnement ne pas (pré)voir l’attaque d’un ennemi.

Toutefois, on le répète mais ce choix audacieux est finalement bénéfique et donne une véritable identité de gameplay au jeu. Il n’y a pas de véritable verouillage/lock d’ennemi mais tout de même, un semblant de ciblage de l’ennemi en fonction de l’orientation de son personnage. Le système n’est pas parfait car par moment, le personnage ne répond pas comme l’on voudrait et la caméra est capricieuse mais Ghost of Tsushima à me mérite de vouloir se démarquer.

La discrétion dans Ghost of Tsushima : Tenchu en PLS

Le gameplay de combat est donc une réussite, c’est dit. A contrario, on ne peut pas passer sous silence, l’aspect infiltration du jeu qui est à oublier. L’IA des ennemis n’est pas du tout faite pour ça, à la manière d’un Assassin’s Creed en somme. Les ennemis sont amnésiques, très faciles à semer, on se contentera de les éliminer dans le dos ou par les airs lorsqu’on jugera la nécessité de vider un camps ennemis par exemple.
Par conséquent, évacuons toutes comparaisons avec la licence Tenchu, ce n’est pas le même folklore même si la narration du jeu veut nous faire croire que l’infiltration et la létalité qui en découle, est un de ses fondements.

Au final, on vous conseille grandement de faire progresser votre personnage pour les combats au katana et à recourir aux diverses armes secondaires au besoin (les armes fantômes dans le jeu, telles que les kunais ou les bombes collantes par exemple)

Une bande son incisive, comme un bon vieux Shurik’n

On joue dans un chambara
La fierté, la loi tuent
Comme un bon vieux Kurosawa, la main sur le katana
Même si la peur m’assaille
Je partirai comme un samouraï

Terminons notre test par la partie sonore du jeu. C’est une véritable réussite dans son ambiance, dans le sound design global. Les musiques sont très bien composées, en accord avec la direction artistique du jeu. Elles se déclenchent au bon moment et accompagnent parfaitement votre exploration des contrées de l’île de Tsushima. On a plus de réserve sur le doublage en français qui n’est pas mauvais en soit, même plutôt honorable mais on le trouve trop mécanique, pas assez immersif. Au final, on vous recommande fortement de basculer avec les voix japonaises qui sont elles, parfaitement jouées, renforçant grandement l’immersion dans cet univers de japon féodal.

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