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Ceux qui travaillent : Frank un monstre nécessaire ?

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Voici un film non partisan qui dissèque les mécaniques d’une société hypocrite.

Olivier Gourmet Antoine Russbach

Ceux qui travaillent est le premier film d’Antoine Russbach et une production franco-belgo-suisse. L’acteur Olivier Gourmet, que l’on a pu voir il y a peu dans Une intime conviction d’Antoine Raimbault, porte le film comme à son habitude et donne à son personnage principal de multiples facettes. Le film est sobre et sans chichi, c’est une volonté de son réalisateur pour laisser aux spectateurs la place de réfléchir sur “Ceux qui travaillent”.

Frank, prénom ô combien signifiant, est cadre dans une entreprise de fret maritime. Il gère les problèmes des différents cargos de sa société. Il nourrit le monde. Il nourrit sa famille aussi, ses cinq enfants et sa femme. Il est le pater familias. Ses convictions sont bien à droite. Il fait, d’ailleurs, un petit clin d’œil au « slogan » travailler plus pour gagner plus, dès le début du film. Son travail est tout pour lui. Il y a consacré sa vie entière. Il ne saurait s’épanouir ailleurs, comme l’indique son bilan de compétence, qu’il fait pour trouver un nouvel emploi. Car malgré son dévouement, son entreprise l’a licencié.

Commence alors une remise en question de ses valeurs et de notre mode de consommation.

Le Bourgeois gentilhomme.

Frankenstein alias Frank nous est présenté comme un monstre. En effet, il fait passer les intérêts de sa société avant tout et les confond même avec les siens. Au point, un jour, de franchir la ligne rouge. Son entreprise décide alors de le licencier. Son monde s’écroule. Il perd pied. Son microcosme bourgeois s’en trouve alors chamboulé. Tout ce qu’il pensait acquis peut à tout moment s’effondrer: sa famille, son statut social, son incarnation de la réussite. Tout cela, est résumé par une scène: lors d’une prise de parole. Un cadre, lui aussi licencié et vrai miroir de Frank, annonce que sa femme l’a quitté juste après son licenciement, au bout de 20 ans de mariage. 

frank

Notre homme, moulé par le capitalisme, n’a pas osé annoncer la nouvelle à sa famille. Sans doute est-il, lui aussi, taraudé par la même peur. Celle de tout perdre.

Il pensait appartenir à cette race de winner indéfectible et chère à notre président. Malheureusement, la dure réalité de son obsolescence programmée est venue mettre un coup d’arrêt à ses ambitions.

Un coupable parfait.

Ce coupable tout choisi, haï de tous et en particulier de nous spectateur, est un rouage de cette mondialisation, dont la trinité peut se résumer ainsi: toujours plus, toujours moins cher, toujours plus vite. Malgré son geste impardonnable, il est le seul à assumer son acte. Face à son employeur d’abord, auquel il demande des remerciements pour ce qu’il a fait. Puis avec sa femme à qui il avouera finalement sa faute, au risque de tout perdre. In fine, c’est le seul à ne pas être hypocrite. 

En effet, il subvient aux besoins de sa famille. Il se lève tôt. Aidé de sa plus jeune fille, il réveille le reste de sa famille. Mais un jour, après un retour impromptu à la maison, il découvre que sitôt dans la voiture toute sa tribu se recouche. 

Première hypocrisie de ceux qu’il “nourrit”.

Sa famille lui reproche sa décision (inhumaine je le rappelle), dans une ultime hypocrisie. Car cette communauté jouit de la vie, le dernier iPhone en poche au bord d’une belle piscine, grâce à des gens comme lui qui accepte de prendre ce genre de décisions.

Le dénuement.

Pour retrouver une vie normale, celle “d’avant”, Il finit par accepter un travail à la finalité illégale. Pour un salaire mirobolant. Et ainsi, permet de préserver le train de vie de sa famille. Comme lui indique son fils “qui a accepté son absence mais n’accepte pas de baisser son niveau de vie”. Il ré-endosse alors ce rôle inhumain mais nécessaire à notre société qui nous permet à tous de vivre confortablement au frais de multiple sacrifices tout au long de cette chaîne mondialisée.

tiers état

Il n’y a pas de rédemption pour notre antihéros, mais une parfaite continuité dans une société toujours plus compétitive. Un anti happy end où tout a changé (pour la petite fille peut être et nous ?) mais où tout reste pareil.

Qui est le plus coupable, celui qui agit ou celui qui en profite hypocritement ? Qui serait prêt à abandonner sa qualité de vie ? Pas eux, pas nous ? 

Le réalisateur prépare deux autres films: ceux qui combattent et ceux qui prient.

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